Comme le rugbyman Wilkinson, la Street Triple vient d'Angleterre. Comme lui, elle est solidement bâtie, possède une belle gueule mais surtout, comme lui, elle distribue de sacrés coups de pied au cul... Une raison de la bouter hors de France ? Essai...
Basée sur l'excellente Daytona 675 (lire Essai Moto-Net.Com du 29 mai 2006), la Street Triple se présente comme l'alternative aux roadsters 4-cylindres nippons et aux bicylindres italiens.
À l'instar de sa soeur championne de France de Supersport (yes indeed, lire Moto-Net.Com du 4 octobre 2006), la British choisit donc habilement de jouer la carte de la différenciation... mais jusqu'à un certain point seulement ! Car si son moteur Triple de 675 cc est véritablement atypique, sa partie cycle l'est moins.
Cadre et bras oscillant tout en alu, fourche inversée Kayaba de 41 mm et amortisseur arrière de la même marque - japonaise, oops ! -, frein avant double disque de 308 mm pincés par des étriers Nissin : la Street Triple ne peut revendiquer la même singularité qu'une Buell !
Idem niveau look : elle se "contente" de reprendre le double optique, l'arrière tronqué et les doubles pots hauts et courts de son illustre soeur la Speed Triple (lire Essai Moto-Net.Com du 21 avril 2005). Mais peut-on réellement en vouloir à la firme d'Hinckley ? Après tout, cette "Baby Triple", les fans de la marque et d'autres la demandaient depuis longtemps !
Ainsi selon les goûts ou l'humeur, le choix délibéré des designers de "copier-coller" le style de la 1050 sur la 675 peut soit être considéré comme un manque flagrant d'imagination... soit au contraire paraître d'une évidence limpide ! Quoiqu'il en soit, il est un fait que nul ne peut nier : la "British Touch" est là ! Japs et Ritals n'ont qu'à bien se tenir...
Car la Street Triple vise ouvertement les Monster, Shiver, Hornet, GSR et même les FZ6 et les Z750, dont les volumes de ventes affichent des records en France ! L'usine d'Hinckley tourne donc à plein régime et de nouvelles Street Triple ne cessent de traverser la Manche pour "envahir" le continent.
Les premiers chiffres français sont d'ailleurs satisfaisants : avec 496 immatriculations à la fin octobre (lire notre Bilan Marché du 11 novembre 2007), la Streeple - c'est plus facile à prononcer ! - est d'ores et déjà dans le top 100 des ventes de l'année 2007. Mais naturellement, la 675 ne compte pas en rester là !
Pour être compétitif en concessions, Triumph devait impérativement s'aligner sur les tarifs des concurrents, soit ne pas dépasser la barre fatidique des 7 500 euros. Un objectif quasiment atteint, puisque la petite anglaise se monnaie à 7 590 euros... Soit 391 de plus que le best-seller français (Z750), 591 de plus que la GSR, 410 de plus que la FZ6, 300 de plus que la Hornet, 5 de plus que la Monster 695 (remplacée en 2008 par la 696) et 409 euros de moins que la Shiver.
Mais les prix ne font pas tout, surtout lorsqu'ils sont si proches et susceptibles de varier selon les périodes - c'est bientôt Noël, puis les soldes ! Si bien que la vraie bataille de la Street Triple se déroulera avant tout sur la route...
Avant de monter dessus, le propriétaire note que la finition générale est de bonne facture, comme l'illustrent par exemple les platines de repose-pieds passager qui épousent joliment les formes des pots, les inscriptions vernies sur le réservoir et la selle ou le renvoi de sélecteur au travers du cadre.
Les durites de freins "type aviation" sont bien acheminées et les autres câbles se font discrets. On note même la présence de valves coudées pour éviter de se salir les gants. Seules les pièces en plastique encadrant le radiateur et composant la partie avant du compteur peuvent décevoir.
La prise en main de la petite Triumph est très aisée, quel que soit le gabarit du motard - ou de la motarde. Avec la selle et les repose-pieds placés bien plus bas que sur la Daytona et le guidon bien plus haut, la position de conduite est celle d'un roadster de moyenne cylindrée accueillant.
Le poids à sec limité à 167 kg est appréciable, de même que la compacité du bloc moteur et de l'ensemble de la moto. Easy...
Toutefois, en observant le tableau de bord - directement hérité de la Daytona - et en démarrant le 3-cylindres en ligne (toujours 12 soupapes à double arbre à cames en tête), la sportivité latente de la Street Triple se révèle au grand jour !
Certes, par rapport à sa version sportive, la version "urbaine" du 675 a perdu quelques chevaux : 125 pour la Dayto, 108 pour la "Streeple" mais 106 ch pour les deux versions "sans chevaux" françaises. La sonorité des deux silencieux est également légèrement moins hargneuse que celle du pot logé sous la selle de la Supersport.
Il n'empêche que les coups de gaz restent accompagnés de vives montées dans les tours et d'un feulement rauque des plus agréables. Par ailleurs, le couple maxi de 69 Nm de la "Streeple" est atteint dès 9 100 tr/min alors que les 72 Nm maxi de la Daytona se trouvent à 11 750 tr/min. De même, les 106 chevaux légaux sont atteints à 11 700 tr/min sur le roadster, contre 12 500 tours sur la Supersport.
Ainsi, le petit roadster fait preuve d'une vélocité impressionnante, dans le sens propre du terme pour celui qui descend tout juste de sa CB500 de moto école ! Poignée vissée à fond, la roue avant quitte le sol en 1ère, voire en 2ème. Finalement, cette "Streeple" facile à enfourcher mérite une attention comparable à celle qu'on porte à une sportive...
Dès 2000 tr/min, "Ze Triple" accepte de tracter et distille au fur et à mesure de la montée en régime une sensation grisante de montée en puissance, dépourvue de creux. Les vocalises des silencieux participent activement au ressenti général et aucune vibration parasite ne vient troubler la joie du pilote !
Comme sur la Daytona, la plage d'utilisation est très vaste, s'étalant des tranquilles - mais pas ankylosés - 2 500 tours aux rageurs 11 000 tours ! À l'image de motos de cylindrées supérieures, la Street Triple permet au pilote de bénéficier d'excellentes reprises dès les mi-régimes, ce que les autres 600 peinent à fournir.
Ainsi le recours à la boîte de vitesses - du reste très agréable - se fait moins fréquent que sur les concurrentes nippones et italiennes. Le point fort de la Street Triple est sans conteste son moulin à eau souple, démonstratif et enivrant. Même un gaillard comme Chabal succomberait !
"L’un des grands atouts de la performance de cette moto d’exception, c’est que vous ne devez rien faire d’exceptionnel pour en profiter : la Street Triple produit un couple de plus 60 Nm de 3500 tr/min à 12300 tr/min", souligne à juste titre la firme d'Hinckley qui a retravaillé "l'injection mais aussi les arbres à came, le traitement des soupapes et des segments ainsi que le collecteur d'échappement".
Seule ombre au tableau, le roadster anglais émet un sifflement qui peut devenir lassant sur un long parcours ou en "conduite apaisée". Acquittant la transmission primaire dont les pignons sont à taille droite, l'équipe technique de Triumph France invoque "le trois cylindres, dont le calage à 120° produit un bruit effectivement différent des japonaises". Heureusement, la sonorité des pots permet de pallier ce désagrément : il est même difficile de résister à la tentation d'émettre de "joyeux" coups de gaz inutiles !
De même, les motards timides qui n'osent habituellement pas lever la roue avant trouveront en cette moto une complice rassurante qui peut pousser les plus sages à adopter une conduite un brin "hooligan". Les coups de pied au cul "made in Wilkinson" forgent le caractère !
Ce côté joueur - "streetfighter", dira même Triumph - tend naturellement à augmenter la consommation : avec une moyenne relevée lors de notre essai à 6,9 litres aux 100 km (confirmée par l'ordinateur de bord), nous avons noté pratiquement 1 litre de plus que lors de notre essai de la Daytona 675...
Le programme plus urbain doit également être pris en compte. On notera tout simplement que la "Streeple" ne surprend pas par sa consommation : menée raisonnablement, ses 17,4 litres de contenance permettent de parcourir jusqu'à 300 km.
En ce qui concerne le freinage, là aussi la petite Triumph offre de quoi se divertir ! Pourtant, la fiche technique peut laisser songeur les fans de matos dernier cri : "good bye" les étriers radiaux quatre pistons de la Daytona et "welcome" les étriers classiques deux pistons... Damned ?
Au final, si les disques de 308 mm ne sont pas mordus aussi férocement que sur la Supersport, ceux du roadster sont pincés efficacement et la roue avant peut être bloquée en beaucoup moins de temps qu'il en faut pour l'écrire ! Là encore, les nouveaux permis qui auront choisi cette moto pour débuter devront se montrer prudents lors des premiers gros freinages sur le gramouillé comme sur le sec...
Dosable et puissant, le freinage de la Street Triple est une réussite. Il ne demande pas beaucoup d'effort au levier réglable en écartement (on regrette d'ailleurs le manque de réglage du levier d'embrayage). Le train avant d'une manière générale est plaisant, facile à mettre sur l'angle et réagit très bien aux imperfections de la route ou du pilotage.
Cette sensation de contrôle et la confiance acquise au fil des kilomètres est accrue par la monte de gommes sportives d'origine : des Dunlop Qualifier. Très tendres, les pneus de 120/70 à l'avant et 180/55 à l'arrière offrent à la Street Triple des appuis sûrs et mériteraient d'être lâchés sur piste, comme le suggère Triumph sur ses brochures !
Le train arrière de la moto en revanche gagnerait à être un peu moins sec... La tenue de route est exemplaire malgré quelques petits sautillements lors de fortes accélérations en sortie de courbe bosselée, mais le confort est insuffisant pour un roadster digne de ce nom. Dommage car l'accueil de la selle - fine - s'avère a posteriori convenable.
Autre point qui peut jouer en la défaveur de la "Streeple" : son manque de fonctionnalité en ville. Ainsi, le rayon de braquage bien trop important limite les manoeuvres, que ce soit entre les voitures ou pour se glisser jusqu'à un solide point de fixation pour le stationnement.
De même, le manque de place sous la selle - inhérent à beaucoup de motos actuelles - condamne le propriétaire à choisir un simple bloc disques s'il ne souhaite pas transporter un vrai antivol dans un sac... ou scotché sur la selle ? Or ce U ou cette chaîne font cruellement défaut pour la protection d'une moto qui risque de devenir fort convoitée...
Lors des longs parcours, le manque de protection du pilote se fait sentir : calée à 140 km/h compteur - soit 7 000 tr/min en 6ème -, la Street Triple met à l'épreuve son conducteur. Outre le gain en esthétique, l'achat du saute-vent en option est à considérer pour ceux qui souhaitent tailler davantage de route que de rues.
Ceux-là s'essaieront peut-être au duo... qui nécessite un passager complaisant ! Sans atteindre l'inconfort extrême de la Speed Triple, la Street oblige la courageuse recrue à se tenir fermement au "supporter", la petite "Wilkinson" ayant largement de quoi botter deux culs à la fois ! Là aussi, l'achat de la poignée passager proposée en option peut s'avérer utile. Libre à l'acheteur de refacturer le surplus à son passager si ce dernier y tient vraiment !
Au final, Triumph propose un roadster de moyenne cylindrée ostensiblement orienté sur l'arsouille et le plaisir. Et sur ces plans là, l'essai est incontestablement... transformé !
Attention dès lors au petit papier rose, tant il est facile de rouler plus vite qu'il n'est permis en ville ou sur le réseau secondaire... Sur autoroute en revanche, l'absence de protection sera peut-être salutaire !
En résumé, le petit Triple de 675 cc cache des performances de très haut niveau et la partie cycle permet d'exploiter au mieux ce fabuleux potentiel. Sur route, on préfèrera même la Street Triple à la Daytona trop inconfortable.
Toutefois, pour ceux qui attendent d'un roadster confort, docilité et praticité, la Street Triple n'est pas l'arme absolue. C'est davantage une "arme fatale", pour celles et ceux qui désirent aller rouler, déconner mais sûrement pas travailler... sauf leurs wheeling ?
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