Dans une publicité pour sa CB650F, Honda prétendait que le petit roadster était ''le choix de Marc Marquez''. L'arrivée de la MotoGP de route RC213V-S change toutefois la donne ! Moto-Net.Com a assisté à sa présentation... statique, malheureusement.
C'est en marge du Grand Prix de Catalogne, sur le circuit de Montmelo à Barcelone (Espagne), que Honda a choisi de présenter sa RC213V-S (relire MNC du 11 juin 2015 : présentation de la nouvelle Honda RC213V-S en direct et MNC du 12 juin 2015 : tout ce qu'il faut savoir sur la Moto GP de route Honda). Une décision qui tombe sous le sens puisque cette nouvelle moto est la version homologuée pour la route de la machine chevauchée en MotoGP par les pilotes officiels - et espagnols - du HRC : Marc Marquez et de Dani Pedrosa.
Malgré leurs agendas surchargés, les deux vedettes de l'équipe Honda Repsol ont pris le temps de venir saluer les hauts responsables de la marque ailée et les journalistes rassemblés sous la tente - la géode ! - montée par le constructeur japonais pour le lancement officiel de cette prestigieuse machine...
L'occasion pour Marc Marquez d'affirmer que oui, oui, il a bien eu la chance de tester la RC-213V-S (voir la vidéo en dernière page) et qu'elle lui rappelle très fortement et naturellement sa RC213V de course. Si l'an dernier le "choix de Marc Marquez" était la petite CB650F, en 2015 il s'oriente donc vers la RC213V-S...
Tout sourire et sur le ton de la plaisanterie - vraiment ?! -, Marc rappelle également à son "very big boss", M. Tetsuo Suzuki - président du HRC, ça ne s'invente pas - qu'il a réservé l'exemplaire n°93 de ce nouveau modèle de série... limitée !
"La production débutera au mois de septembre, à raison d'une machine par jour maximum", nous apprend le responsable presse chez Honda France, Bruno Skotnicki, "et le dernier exemplaire sortira à la fin de l'année 2016. En tout, l'usine prévoit de fabriquer environ 200 RC213V-S". 213, peut-être ?!
Étroitement dérivée du prototype de Grand Prix titré avec Marc Marquez en 2013 et 2014, cette MotoGP de route - et d'exception - ne sortira pas des habituelles chaînes de montage Honda. Sa fabrication requiert en effet toute l'attention d'une équipe dédiée employant les mêmes méthodes que celles de l'illustre HRC.
Ainsi, comme la machine de course, "la RC213V-S possède une partie cycle dont bon nombre de pièces sont directement taillées dans la masse", souligne le "Large Project Leader", M. Yosuke Hasegawa. Réputées pour leur haut degré de finition, les CBR trouvent leur maîtresse en la matière...
"Son cadre, son bras oscillant et son réservoir sont composés de pièces en aluminium embouties et entièrement soudées à la main par nos plus grands experts en soudage TIG", poursuit l'ingénieur japonais lors de son entretien réservé aux journalistes français.
"Les carters moteur sont les rares pièces moulées et la visserie est en titane", nous glisse en aparté Bruno Skotnicki. "Lors de l'assemblage, de la graisse molybdène est appliquée sur les vis. Elles sont toutes serrées manuellement, sans clé à chocs, aux couples spécifiques qui différent de ceux de la visserie en acier".
Grande première pour Honda - mais déjà vue chez la concurrence, Ducati notamment -, la selle autoporteuse est réalisée en fibre de carbone (pré-imprégné renforcé, ou CFRP) comme sur la RC213V de course. L'ensemble du carénage est également conçu en carbone. Gaffe à la chute... et donc aux conditions piégeuses !
Comme le prototype de MotoGP, la RC213V-S est effectivement dépourvue d'ABS. Après tout, les "vrais" pilotes n'en ont pas besoin sur circuit. Moto-Net.Com espère en revanche qu'aucun propriétaire ne regrettera l'absence de ce système lors d'une sortie sur - de ! - route...
Vis à vis de la réglementation européenne enfin, Honda reste dans les clous : "l'ABS sera bien obligatoire à compter de 2016 sur les deux-roues de plus de 125 cc", nous confirme Bruno Skotnicki, "mais pour les tout nouveaux modèles uniquement. Ceux lancés précédemment disposeront d'un délai, et ce sera le cas de la RC213V-S".
Côté freinage donc, pas de chichi mais des disques en acier - "ceux utilisés en MotoGP en cas de pluie", précise Honda - mordus par les mêmes étriers Brembo que sur la RCV via des durites de freins de type aviation (idem pour l'embrayage). "Les leviers repliables sont identiques à ceux qui équipent la RC213V", garantit le constructeur.
En revanche, "les suspensions ne peuvent pas être parfaitement identiques car les composants montés sur la RCV de course évoluent constamment", note Yosuke Hasegawa. "Cependant, la technologie et le fournisseur sont les mêmes". Öhlins équipe ainsi la RC213V-S d'un amortisseur TTX36 et d'une fourche TTX25.
L'amortisseur de direction rotatif caché devant la colonne de direction ressemble à s'y méprendre à celui de la RC213V, mais "le corps est celui de la RCV1000R", moto inscrite l'an dernier en catégorie Open CRT du MotoGP. Or ce n'est pas le seul point commun entre les deux machines...
"Au moins 80% des pièces de la RC213V-S et de la RC213V sont communes, et l'essentiel des différences se situent au niveau du moteur ", estiment les ingénieurs nippons. "Par contre, toutes les pièces de la RCV1000R pourraient être montées sur la moto de route", nous assure le responsable presse de Honda France.
Comme la moto de CRT de 2014 en effet, la RC213V-S de route est dépourvue du système de rappel de soupapes pneumatiques... alors que la "RC213V-RS" qui court cette année en Open en bénéficie (lire MNC du 6 novembre 2014 pour tenter de suivre !)
"La solution avec ressorts de soupapes hélicoïdaux a été retenue afin de faciliter l'entretien", nous indiquent les ingénieurs nippons qui ont fixé les révisions de la moto tous les 12000 km et le contrôle du jeu aux soupapes tous les 24000 km.
"La distribution par cascade de pignons est conservé, ce qui augmente à la fois la précision et la fiabilité du moteur. Attention en revanche : l'embrayage doit être vérifié tous les 3000 km", nous précisent leurs collègues français lors de cette présentation... statique, snif !
D'une valeur estimée par Honda à environ 500 000 euros, la boîte "seamless" n'est montée que sur les RC213V. Les propriétaires de RC213V-S n'en voudront donc pas au géant mondial d'avoir fait l'impasse sur cet élément pour la version de route. Ils regretteront en revanche l'absence d'une boîte de vitesses à cassette extractible.
"Depuis l'époque des premières courses sur l'île de Man, Honda a toujours considéré ses engagements en compétition, quelles que soient les catégories, comme de véritables tests en grandeur réelle pour ses machines", affirme néanmoins le constructeur : "les technologies développées en course étaient ensuite souvent intégrées sur les modèles de série, participant à la réputation de performance et de fiabilité des deux roues Honda".
Des technologies souvent intégrées... mais pas toujours : équipée d'un ABS électronique inemployé en course par exemple, la Fireblade est la dernière "Superbike de route" à faire l'impasse sur le contrôle de traction. Sur la RC213V-S en revanche, le pilote dispose de tout l'attirail de compétition.
Font ainsi partie de la dotation : un embrayage à sec à glissement limité, un quick shifter, un accélérateur à commande électronique (ECU Honda), cinq modes de conduite, trois modes de cartographies moteur, quatre niveaux de frein moteur, un limiteur de vitesse variable et une assistance au départ (launch control) - canon !
Enfin, grande première sur une sportive Honda de route : un contrôle de traction (HSTC) est présent sur la RCV de route. Son unité de mesure inertielle d'origine Bosch (IMU) prend en compte les accélérations de la moto sur ses six axes. Dix niveaux (de 0 à 9) permettent de réguler le degré d'intervention de la machine.
De quoi contenir les ruades des 159 chevaux développés par la RC213V-S (à 11000 tr/min)... Une valeur bien faible au regard des puissances atteintes actuellement par les "Superbike de route" de la concurrence (200 ch environ), et même par rapport à la - bonne - vieille CBR1000RR (178 ch dans le monde libre).
Naturellement questionné sur cette donnée fort décevante de prime abord, les japonais répondent un brin maladroitement que selon eux, "160 ch permettaient d'assurer endurance et fiabilité" (sic), avant de conclure de manière plus convaincante en estimant cette puissance "suffisante pour une utilisation sur route".
"Nous aurions effectivement pu en tirer beaucoup plus", assurent les ingénieurs. Dans sa configuration MotoGP, le V4 à 90° de 999 cc développe d'après eux "plus de 175 kW" (plus de 238 ch). Or la RC213V-S s'en approche avec son kit "Sport" optionnel, à commander au moment de l'achat.
Dans sa configuration piste, la puissance de la RC213V-S atteint les 215 ch à 13000 tr/min. Comment ? "Après le retrait du phare, la connexion de la conduite d'air sous pression avant avec le carénage supérieur entraîne des effets de pression semblables à ceux de la RC213V", dévoile notamment le constructeur.
Mais le kit fait appel à de nombreuses autres pièces spécifiques pour améliorer les performances de la moto : ECU, bougies, thermostat, échappement, carter d'embrayage ajouré, jeux de pignons et couronnes pour la démultiplication finale, chappe de suspension arrière. Un enregistreur de données permet au pilote d'analyser chacune de ses sorties.
Le pilotage de la moto se rapproche également de celui du prototype de course grâce au tambour de changement de vitesse inversé, au shifter incorporant un capteur de charge (cinq niveaux), au contrôle à distance de la position du levier de frein avant, aux plaquettes plus mordantes et aux cales de butée de direction (15° comme sur la RC213V, pour limiter l'amplitude des éventuels guidonnages).
Outre le gain en puissance maxi (et en couple, voir les fiches techniques), le kit Sport permet d'alléger la monture de 10 kg : le poids de la machine est dans ce cas de 160 kg à sec, soit à peine plus que la RC213V "tout court" de Marquez et Pedrosa en fin de course !
Dans sa configuration route, le surpoids est principalement dû à l'accastillage réglementaire : éclairage (LED), clignotants, rétroviseurs, support de plaque d'immatriculation, avertisseur sonore, béquille latérale, échappement pourvu de valves et catalyseurs, etc.
Notons que pour mieux correspondre à une utilisation sur route ouverte, Honda a également tenu à augmenter l'angle de braquage (ouvert à 26°) et installé des jantes de 17 pouces (16.5" encore cette année en MotoGP) permettant la chausse de Bridgestone RS10.
Mais les futurs clients oseront-ils sortir leur RC213V-S de chez eux ? Le "Large Project Leader" est convaincu que oui : "beaucoup de motards l'achèteront pour la garder dans leur salon comme une oeuvre d'art, mais je suis sûr qu'ils ne résisteront pas à la tentation de la piloter".
Profiter de sa MotoGP... |
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Mise en vente à partir du 13 juillet 2015 sur son site dédié www.rc213v-s.com, la MotoGP de route signée Honda sera affichée "à partir de" 188 000 €. Une sacrée somme à laquelle l faudra - impérativement ?! - ajouter les 13 000 euros du kit Sport, voire les 4000 euros du coloris officiel HRC.
La RC213V-S devient ainsi le modèle le plus onéreux du catalogue Honda moto "et auto, puisque le tarif de la future NSX sera plus bas", nous confie Skotnicki San. "Hors compétition", seul l'avion HondaJet sera proposé à un prix nettement supérieur chez les Rouges de Tokyo !
À titre d'information, le responsable presse de Honda France nous apprend que la RCV1000R (Open) coûte deux fois plus cher aux teams privés de MotoGP : "Honda ne les loue pas mais les vend 400 000 euros l'unité". À la conduite pourtant, les sensations perçues sur la MotoGP de route sont "extrêmement proches", nous promet le pilote de développement...
Quant à la RC213V, sa valeur est littéralement in-es-ti-mable. De toute manière, elle n'est pas en vente ! Bruno Skotnicki rappelle aussi que "la location cette fois de deux VTR-SP pour les deux épreuves d'endurance de 24 heures coûtaient 3,5 millions de francs au début des années 2000".
Élevée au rang de chef d'oeuvre par ses concepteurs, la RC213V-S ne représente pas beaucoup plus d'un centième du prix du plus cher des Stradivarius, ou un millième du plus cher tableau de Picasso... Chez Moto-Net.Com, on n'aurait que faire d'un violon ou d'une toile. D'une moto dérivée du MotoGP en revanche, c'est une autre histoire. Au fait M. Honda, on l'essaye quand cette chère RC213V-S ?
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