Tu testes quoi comme moto, MNC ? Une Harley-Davidson. Ah, un custom donc... Non : un maxi-trail. Tu déconnes ?! Pas du tout : même que cette nouvelle Pan America 1250 est aussi spectaculairement innovante que joyeusement performante ! Oublie tous tes préjugés : la Motor Company est sur une sacrée bonne piste. Essai complet sur routes et chemins.
Un gros trail chez Harley-Davidson, qui l'eut cru ? Plus fort encore : cette Pan America 1250 étrenne des technologies de pointe dont un inédit bicylindre à distribution variable (si, si !), un antipatinage et un ABS renseignés par une centrale à inertie (IMU), un contrôle du frein moteur, plusieurs cartographies d'injection, un immense écran couleurs de 6,8 pouces (tactile et avec connexion Bluetooth) et un démarrage sans clé. La version haut de gamme Special intègre même des suspensions pilotées Showa dernier-cri (détails des équipements en page 2) !
MNC s'était déjà pris une claque en testant la première version de la moto électrique de la Motor Company en 2015, mais là c'est un véritable uppercut ! Cette audace et cet esprit de conquête sont à l'opposé de son habituel conservatisme, et pour cause : ses ventes qui s'érodent année après année forcent le géant américain à se renouveler pour stopper l'hémorragie (344 000 unités dans le monde en 2006, 218 000 en 2019).
Dont acte : cette Pan America 1250 défriche littéralement de nouveaux horizons pour la marque de Milwaukee, dont l'histoire et l'image sont associées à des customs clinquants. Imaginez le choc en concessions : les "Bikers" tout en cuir et tatouages côtoieront désormais des bourlingueurs en tenue tout-terrain (Harley s'est même rapproché de Rev'It pour développer une collection d'équipements trail) !
Prendre le guidon de la Pan America 1250 constitue d'entrée de jeu une expérience jouissive, ne serait-ce que pour son caractère totalement inattendu et sa dimension historique. Quinze jours plus tôt, MNC découvrait pieds en avant et fesses au ras du sol les chromes des nouvelles Softail : le contraste est radical, l'enthousiasme total !
Autant le dire tout de suite : cette découverte apporte son lot de surprises proprement bluffantes. Vous vous attendiez - comme nous, avouons-le - à un trail un peu lourdaud et quelques "bizarreries" ? Tout faux ! La Pan America standard pèse 245 kg et la Special 258 kg, soit des records de légèreté pour Harley et une masse "raisonnable" dans cette catégorie.
Les 13 kg supplémentaires de la Pan America Special ci-dessus s'expliquent par sa très riche dotation de série : en plus de son amortissement piloté, elle intègre une béquille centrale, des pare-mains, des poignées chauffantes, un indicateur de pression des pneus, un éclairage adaptatif en courbes - via des LED au-dessus de l'optique principale - des protections moteur et un - court - sabot en métal (en plastique sur Pan Am' "tout court"). La totale, quoi !
A titre de comparaison, la référence du segment BMW R1250GS pointe à 249 kg. L'occasion de remarquer que la Harley-Davidson partage la même cylindrée (1252 cc contre 1254 cc pour l'allemande) et des dimensions de jantes identiques en 120/70/19 et 170/60/17. A bâtons de série, ces jantes en alu peuvent être troquées en option contre des roues à rayons croisés (tubeless) au prix carrément compétitif de 500 euros.
La "GS" fait néanmoins valoir sa transmission finale par cardan dans cet étalonnage des poids, quand l'américaine profite de son recours inhabituel à une chaîne pour gagner sur la balance ce qu'elle sacrifie au quotidien en entretien. Pourquoi ne pas avoir opté pour la traditionnelle courroie "propre" aux Harley ?
"Une courroie posait des contraintes en raison des forts débattements de suspensions, qui influent sur sa tension", nous répond le directeur technique de Harley-Davidson France interrogé par MNC. "Une chaîne est aussi plus robuste face aux exigences et salissures du tout-terrain".
L'exercice ne semble pourtant pas impossible puisque Buell - l'ancienne marque "décalée" de Harley - avait brièvement produit un trail routier avec courroie : l'Ulysses, sur base de XB12S avec un twin H-D de 1203 cc. Moins haute sur pattes (165 et 163 mm) d'une part, la Buell n'avait d'autre part aucune prétention "off-road" à l'inverse de cette surprenante Pan America.
En parlant de surprises : la Pan America 1250 s'apprivoise naturellement, malgré ses volumes intimidants communs à tous les maxi-trails. Son large guidon - bien dessiné - est idéalement relevé par des pontets qualitatifs, comme le reste de la moto d'ailleurs : la qualité de matériaux est aussi flatteuse que la finition, à l'exception de quelques câbles mal camouflés sur la gauche du V-twin et du vilain régulateur surexposé derrière la roue avant.
Les leviers ajustables en écartement s'attrapent facilement bien que fixés un peu bas à notre goût : un coup de clé sur les cocottes réglera cet aspect, si besoin. Les jambes se lovent autour du réservoir de 21,2 l sans gêne particulière, ni écartement excessif : la moto est certes longue et haute, mais sa largeur a été habilement contenue. Ce n'est pas une Ténéré 700, bien sûr, mais son arcade est dans la bonne moyenne des gros trails.
Buste droit, bras écartés et jambes repliées à 90° sur des repose-pieds en position médiane, le pilote découvre une posture agréable et sans aucune fausse note ergonomique. On mesure immédiatement que les ingénieurs américains ont soigneusement potassé leur copie… et probablement un peu lorgné vers celles des rivaux !
La selle, enfin, dévoile une épaisseur et une largeur bien calculées : maintien et confort sont au rendez-vous sur longue distance, comme MNC a pu l'apprécier au terme d'une première journée de roulage de 220 km essentiellement sur petites routes. Seul bémol : cette assise se relève significativement sur l'avant, ce qui s'avère gênant aux "parties" pour qui a l'habitude de piloter au contact du réservoir.
Le vaste espace à disposition permet cependant de se reculer pour éviter ce phénomène de "compression intime", en plus d'offrir une liberté de mouvements bienvenue notamment en tout-terrain. Du "off-road" en Harley : dans le genre expérience unique, avouez que ça se pose là !
Les motards de grande taille apprécieront par ailleurs de monter sans outils et de façon aisée la selle en position haute, à quelque 894 mm sur la Pan America standard et à 875 mm sur la Special : cette différence de presque 20 mm s'explique par les débattements inférieurs de la "S" (190 mm contre 210 mm). C'est haut, très haut : pour un peu, on aurait presque le vertige !
Pas de panique toutefois, puisque la marque propose en option un ingénieux système de hauteur adaptative par l'intermédiaire des suspensions pilotées Showa (donc uniquement sur la Special). Cet Adaptative Ride Height (ARH) à 660 euros "dégonfle" automatiquement la précharge de l'amortisseur pour faciliter la pose des pieds au sol à l'arrêt, une électrovanne dirigeant à cet effet l'huile vers le réservoir séparé.
La hauteur d'assise s'abaisse de 2 cm grâce à ce dispositif électro-hydraulique : de 875 mm à 855 mm avec la selle en position haute et de 850 mm à 830 mm en position basse. Concrètement, en configuration selle haute, un pilote d'1m75 peut grâce à lui pratiquement poser les deux pieds à plat, alors qu'une botte reste hissée sur la pointe sans son intervention. Malin et rassurant.
Ce dispositif inédit dans la production moto vous évoque quelque chose ? Normal : il s'agit en réalité de la première exploitation en série du système Electronically equipped ride adjustment (EERA) Heightflex développé par Showa depuis 2018. Harley-Davidson a la primeur de cette innovation jusqu'ici présentée sous forme de prototype par l'équipementier japonais. Quand on vous dit qu'elle surprend, cette Pan Am' !
Cet ARH se calibre à la mise du contact : la moto se "tasse" à son point bas en émettant un chuintement discret, puis son assiette se rétablit en roulant selon le poids du pilote. L'opération se reproduit ensuite à chaque arrêt... en théorie : MNC a plusieurs fois attendu que la moto s'abaisse au feu rouge, en vain ! Hélas, nous avons manqué de temps pour décortiquer ses fonctionnalités, qui permettent notamment d'ajuster sa réactivité ou de le désactiver.
Il porte bien son nom, le moteur de la Pan America : Revolution Max 1250 ! Les "gardiens du temple" vont hurler à la trahison à la lecture de sa fiche technique en page 3 : un bicylindre en V de 1252 cc (jusqu'ici, tout va bien), refroidi par eau (ça irrite un peu, mais déjà en vigueur sur certains Milwaukee-Eight) et surtout - sacrilège - ouvert à… 60° contre 45° pour le reste de la production.
Inacceptable pour la communauté Harley ? Pas forcément : un angle d'ouverture similaire s'est déjà invité par le passé sur le V-twin développé avec Porsche pour feues les V-Rod. Cette motorisation au début accueillie fraîchement avait finalement trouvé sa place : contrairement aux idées reçues, les "Harley-istes" ne sont pas tous jusqu'aux-boutistes !
Ce moteur - qui équipera d'autres motos de Milwaukee, dont un futur roadster - se singularise aussi par son architecture super carré (105 x 72 mm) à l'opposé du format longue course habituel. Il est également fortement comprimé (13 à 1), loin des standards autour de 10 : 1 des "big blocks".
Et ce n'est pas tout : sa distribution par double arbre cames est variable, comme sur la BMW R1250GS - encore elle ! - et autres Ducati Multistrada. Cet inédit Variable Valves Timing (VVT) décale électroniquement la levée des soupapes via des cames amovibles pour contenir la consommation ("5,5 l/100 km", assure la marque) et booster les performances.
Et des performances, ce Revolution Max et ses pistons forgés en alu n'en manquent pas : quelque 152 ch à 8750 tr/mn et 128 Nm de couple à 6750 tr/mn, des chiffres jamais atteints par Harley depuis sa création en 1903. La Pan Am' n'est pas la puissante du genre, mais rejoint directement les gros bras : sa rivale d'outre-Rhin sort 136 ch et 148 Nm !
Petite déception au démarrage : ce Revolution Max sonne comme un V-Twin classique, sans ces vocalises graves propres aux H-D. A l'aveugle, on croirait entendre une DL1000 V-Strom ! Aucune offense à y voir car MNC le répète à chaque essai : le moteur du trail Suzuki est génial. Mais cette sonorité un rien timide manque d'épaisseur par rapport aux standards américains.
Le bloc délivre en outre des cliquetis de distribution peu glamours au ralenti... Bon à savoir : nos hôtes avaient équipé une moto avec un silencieux optionnel en titane agréablement plus ronflant (filtre à air "Screamin'Eagle" aussi disponible). Autre bonne nouvelle : cette bande-son gagne vite de la prestance grâce au puissant ronflement de la boite à air de 11 litres, rauque à souhait !
Un peu déboussolé par toutes ces informations inconnues sur une Harley-Davidson, MNC actionne machinalement l'embrayage (assisté d'un anti-dribble !), enclenche une vitesse et décolle en souplesse... Quelques mètres plus loin, l'incongruité de la chose nous frappe : ce banal enchaînement s'est déroulé avec une facilité enfantine. Mince, c'est vraiment une V-Strom en fait ?!
Pas de "Klong" retentissant au passage de la première, ni de levier gauche façon ressort de musculation, pas de point mort infernal à trouver ou de cylindre arrière qui rôtit la cuisse droite : la Pan America est exempte de toutes ces "joyeusetés" courantes chez Harley ! En prime son accélérateur électronique est incroyablement précis et transparent en mode "Route" : l'un des meilleurs Ride-by-wire testés par nos soins, rien de moins.
La boîte de vitesses est certes un peu ferme, mais son verrouillage est franc et la sélection réactive : monter des rapports sans débrayer est même possible avec un peu de conviction, malgré l'absence de shifter y compris en option. Son étagement est cohérent avec une première suffisamment longue pour manoeuvrer, des rapports intermédiaires resserrés et une sixième démultipliée pour atteindre 90 km/h à 3200 tr/mn et 130 km/h à 4800 tr/mn.
Le bloc américain continue à faire patte de velours avec des relances onctueuses à très bas régimes, y compris sur les rapports intermédiaires. Son extrême limite basse en 6ème se situe à seulement 1800 tr/mn (50 km/h), seuil qui exige d'accompagner gentiment les gaz pour éviter les inévitables cognements. Tous les bicylindres ne sont pas aussi élastiques, à commencer par son sportif concurrent autrichien de la KTM 1290 Super Adventure (également un V-twin) !
Docile, donc, le Revolution Max grimpe facilement jusqu'au début de sa zone de confort située après 3500 tr/mn : en dessous, sa poussée est certes vigoureuse mais pas spécialement démonstrative. Revers de son format "super-carré" qui sert davantage la cause de la puissance dans les tours que du couple à bas régimes...
Contre toutes attentes, la Pan America 1250 s'épanouit davantage dans les régimes intermédiaires : la plus-value de sa distribution variable n'est pas décoiffante dans le premier tiers du compte-tours... Toujours est-il que le contraste est saisissant par rapport aux habituels twins de Milwaukee, dont le "gras" du couple se déguste surtout entre 2000 et 4000 tr/mn !
Ici, c'est l'inverse : l'accélération ne cesse de se muscler après une première vague - c'est tendance, hélas... - particulièrement puissante et tonique entre 4000 et 6000 tr/mn. La célérité avec laquelle le twin évolue dans cette zone est bluffante, tout comme son intensité : le trail Harley se rue littéralement en avant avec un plaisir non dissimulé. Et ce n'est pas fini…
La mécanique poursuit sa démonstration de force en maintenant cette stupéfiante réactivité jusqu'à 8000 tr/mn, régime à partir duquel l'accélération se tasse gentiment jusqu'à la coupure électronique située aux alentours de 9500 tr/mn. Puissance, allonge, consistance et caractère : le Revolution Max 1250 a tout pour plaire !
Seul bémol : de sensibles vibrations dans les mains à partir de 5000 tr/mn (juste après le cap des 130 km/h en 6ème), qui s'étendent au reste du corps à haut régime. Leur fréquence élevée - façon grésillement - s'éloignent des traditionnelles "Good vibes" qui ont fait et font encore la légende des twins Harley. Deux arbres d'équilibrage sont pourtant chargés de les éradiquer !
MNC regrette également la proximité des intervalles de révision de ce moteur moderne : 1600 km pour la première intervention, puis tous les 8000 km. A comparer avec les 15 000 km entre chaque vidange du surpuissant V4 de 170 ch de la Ducati Multistrada...
Sur la Pan America, tout est nouveau : le moteur, les trains roulants, l'électronique et le cadre, aussi. Son châssis se compose à l'avant d'une courte structure tubulaire directement ancrée au twin via des platines. A l'arrière, un bâti en tubes d'acier est boulonné au moteur : celui-ci occupe donc une fonction porteuse, solution intéressante en termes de compacité et de poids.
L'amortissement est quant à lui confié à une fourche inversée Showa à gros pistons de 47 mm entièrement réglable et à un amortisseur du même fabricant, alors que le freinage repose sur des étriers Brembo à 4-pistons en fixation radiale. La Special reçoit en plus un amortisseur de direction Öhlins : Harley-Davidson n'a pas mégoté sur la qualité des composants, ni sur leur potentiel dynamique !
L'équilibre de cette moto est sa première qualité : la Pan America se manie facilement et de manière intuitive, ce qui permet de tirer profit de son bon rayon de braquage pour oser des manoeuvres serrées sans aucune arrière-pensée. Sa direction est précise, neutre et agréablement réactive, en ville comme dans le sinueux.
Les premières mises sur l'angle mettent néanmoins en lumière un centre de gravité assez élevé, à l'origine d'une certaine inertie entre pif et paf. Contrepartie logique de sa hauteur générale et du format important sur un plan vertical de son V-twin. Sa masse proche du quart de tonne explique aussi ce phénomène courant chez les maxi-trails.
En cela, la Harley se rapproche davantage d'une Triumph Tiger 1200 que d'une Honda Africa Twin 1100. Sa judicieuse répartition des masses dissimule toutefois de belle manière son embonpoint : la Pan America - bien aidée par son empattement contenu à 1580 mm - s'incline docilement à la moindre demande, sans exiger d'efforts démesurés.
La moto atteint un compromis assez judicieusement dosé : sa direction n'est pas lourde, juste un peu physique. Nuance ! Stable, ce train avant supporte des contraintes phénoménales qui incitent à lui en demander toujours plus : la Pan America n'est pas simplement à l'aise dans les courbes, elle s'y excelle.
Sa précision directionnelle la classe - encore une fois - dans le haut du classement de la catégorie, tout comme les réactions saines et rassurantes de son cadre. Rigide à souhait aux bons endroits, ce dernier dispose de la flexibilité latérale requise pour offrir un comportement irréprochable sur l'angle. La Pan America se révèle joueuse, tout simplement !
La moto ne se dandine jamais sur ses appuis, supporte sans broncher une succession de bosses et jouit d'une motricité remarquable, sur route comme dans les chemins. MNC a longuement roulé sans antipatinage - le désactiver ne demande qu'une simple pression à l'arrêt sur la touche dédiée au commodo droit -, sans jamais déplorer un brutal manque de grip.
Et pourtant la dernière partie de notre parcours s'est déroulée sur des petites routes parfois détrempées par des averses : le Michelin Scorcher Adventure sur base de l'Anakee s'est brillamment tiré de cet exercice périlleux. En insistant lourdement, dans une épingle trempée puis sur la terre, MNC est parvenu à ses limites : les décrochements se sont montrés progressifs et prévisibles. Pas un mince exploit au regard de la santé mécanique débordante !
Cet étalage de qualités se poursuit avec un freinage à la hauteur de cette moto révolutionnaire : les pinces Brembo mordent puissamment les disques avant de 320 mm, offrant un dosage précis et progressif au levier droit. Le frein arrière fait état des mêmes qualités, en plus d'être combiné avec l'avant.
Résultat : les capacités de ralentissement de la Pan America sont redoutables, tandis que le couplage participe à la très bonne gestion du maintien de l'assiette. Entrer en courbe debout sur les freins ne perturbe pas ce bel équilibre, pas plus que de lécher la pédale droite - réglable sur deux hauteurs : route ou tout-terrain - pour resserer une trajectoire optimiste.
Sur la version standard brièvement testée, MNC note toutefois une plongée importante de la fourche à la prise de freins : la moto tend alors à verrouiller et à perdre en précision. La solution ? Opter pour la Pan America Special et ses excellentes suspensions pilotées Showa qui gomment ce phénomène, en plus d'apporter davantage de polyvalence !
Cet amortissement est le fruit d'une étroite collaboration avec le manufacturier japonais : le système et les composants proviennent de Showa - on le retrouve d'ailleurs chez d'autres marques -, mais le logiciel spécifique a été développé en interne par Harley. Le tout fonctionne à merveille, bien que MNC note un certain filtrage du retour d'informations par rapport à la fourche "conventionnelle".
Ce phénomène est surtout perceptible dans les entrées en courbes sur les freins, où la gestion électronique des réactions hydrauliques de la fourche dissimule en partie le travail du pneu avant, notamment le degré de son écrasement qui renseigne sur le grip disponible. Le ressenti est plus franc et direct avec la fourche mécanique, qui manque cependant de maintien.
Quelques enfilades suffisent toutefois à passer outre et à assimiler que la Pan America 1250 Special tient méchamment bien le parquet ! Prises d'angle colossale, réaccélération de bourrin sur l'angle : la moto supporte tout, et bien plus encore, tout en préservant un degré de confort de haute volée.
Le système est convaincant pour tous les usages grâce aux modes de conduite qui modifient en profondeur ses réactions, ainsi que celles de l'anti-patinage, de l'ABS, de la gestion du frein moteur et de la distribution de puissance. Passer du mode "Route" au mode "Sport" déclenche aussitôt une réactivité accrue à la poignée de gaz - presque brutale -, tandis que les aides se placent en sensibilité minimum.
Au besoin, chacune entrera tout de même en action avec délicatesse et progressivité : la finesse du contrôle de traction est particulièrement abouti, y compris en tout-terrain où les modes "Off-Road" et "Off-Road Plus" autorisent même des dérives plus ou moins longues du train arrière. Le "Off-road plus" permet également de déconnecter l'ABS à l'arrière, pour faire tourner la moto depuis la pédale droite.
Enfin le mode "Pluie" place toutes les assistances à leur sensibilité maximale, tandis que la fougue jubilatoire du V-twin est prudemment canalisée. Les différences vraiment palpables de comportement entre chaque mode est à mettre au crédit de Harley, là où ces dispositifs tiennent parfois du gadget sur certaines motos.
La Pan America en profite pour présenter plusieurs visages et des réactions différentes, en témoignent également l'écart spectaculaire entre la souplesse quasi moelleuse des suspensions en mode "Pluie" et leur dynamique fermeté en mode "Sport". Presque deux motos différentes !
Un mode entièrement personnalisable est également accessible sur la version standard (trois sur la Special). Les modes jugés inutiles peuvent par ailleurs être désactivés, comme le "Off road" ou "Pluie" pour le motard qui ne se sent pas concerné. De cette manière, seuls les modes qui vous intéressent défileront à chaque pression sur le bouton "Mode" au commodo droit. Bien vu !
Un dernier mot sur le contenu technologique : son écran TFT couleur est beau et bien agencé, mais un peu trop chargé : certaines infos importantes y perdent en lisibilité, comme les trips, l'heure et le rapport engagé. Cette dalle de 17,3 cm (!) - réglable en inclinaison pour limiter les reflets - peut être connectée à un téléphone pour passer des appels, écouter de la musique et suivre une navigation GPS via l'application Harley-Davidson (Android et iOS).
Le défilement se commande depuis les flèches sur le commodo gauche ou depuis l'écran grâce à son retour tactile : la grande classe. L'occasion de saluer le caractère intuitif de la navigation dans les sous-menus, ainsi que l'agencement pertinent des nombreux boutons sur les commodos (avec raccourcis bienvenus vers le régulateur de série sur les deux versions et les poignées chauffantes propres la "S").
La baffe administrée par la Pan America décoifferait un chauve : son niveau d'efficacité est tout bonnement sidérant, surtout au regard de la jeunesse du projet et de l'inexpérience de la marque dans ce domaine. Harley est parti d'une feuille totalement blanche, mais parvient pourtant à rendre une copie parfaitement maîtrisée, sans aucune rature !
Son moteur sensationnel - au sens propre du terme - participe énormément à cette réussite inattendue, mais que dire aussi de sa partie-cycle superbement équilibrée et de l'efficacité redoutable de son contenu technologique ? Harley-Davidson frappe fort, et surtout juste : cette moto est tout simplement bonne car homogène et intelligemment conçue.
Autre critère à son avantage : son prix, qui débute à 15 990 euros en standard et 18 290 euros pour la version Spécial toute équipée. A comparer à ses rivales qui dépassent sans vergogne les 20 000 euros pour accéder aux équipements indispensables installés de série sur cette Harley, comme ses supports de valises intégrés et son porte-bagage.
Last but least : la Pan America 1250 est également à l'aise en tout-terrain. Si, si ! Bonne garde au sol, motricité et frein arrière faciles à gérer et position debout confortable avec de l'espace pour enserrer le réservoir avec les genoux. Évidemment, le poids assez haut perché et les volumes exigent "métier" et prudence, tout comme sa puissance démesurée en off-road. Des chemins roulants, oui. Du franchissement sur piste pentue, non !
Que du bon, au final ? Non : quelques défauts de jeunesse apparaissent ça et là, comme le dépliage de la béquille latérale agaçant car le court ergot est placé devant le sélecteur. La centrale de série sur la "S" (option sur standard) demande à ce sujet un effort considérable pour hisser la machine. Des détails, somme toute, pour un premier "jet".
Plus contrariant : la bulle réglable laisse exposé le dernier tiers du casque en position haute, ce qui s'avère pénible avec un modèle tout-terrain avec visière. Celle-ci est happée par le vent sur autoroute, tirant la tête d'un pilote d'm75 vers l'arrière... Dommage car la déflexion est autrement très correcte : buste, épaules et une partie des bras sont à l'abri.
La protection serait bien meilleure si ce pare-brise se levait plus à la verticale : son format incliné nuit à son efficacité. Autre point améliorable : le dispositif de réglage de hauteur sur quatre crans (4,5 cm d'amplitude), via un levier verrouillable à main gauche. Simple à manier sur le papier, ce dispositif est en réalité infernal à abaisser en roulant car son coulissement tend à se bloquer !
Tout cela n'est pas dramatique puisque facilement améliorable sur des versions ultérieures. En revanche, un aspect s'avère potentiellement insurmontable : le physique "particulier" de cette Pan America 1250 avec sa face percée d'un phare rectangulaire façon meurtrière de char d'assaut. La Versys première du nom n'est plus seule au rang des maxi-trails à "forte tête" !
Critère subjectif s'il en est, l'appréciation de la beauté dépend cependant de l'oeil de celui qui la regarde : en cela, il ne nous appartient pas de décider si la Pan America est moche. Mais ne comptez pas sur nous pour dire qu'elle est belle ! Avouez que la comparaison avec l'allure féline d'une Africa Twin ne tourne pas vraiment à l'avantage de la Harley...
Reste que ce parti pris esthétique présente néanmoins un intérêt : celui de la distinguer au premier regard, ce qui n'est pas si évident compte tenu de toutes ses particularités inédites pour la marque de Milwaukee. Ce n'est pas son moteur, ni ses périphériques qui peuvent l'identifier : ça aussi c'est une sacrée rupture pour Harley-Davidson !
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CONDITIONS ET PARCOURS | ||
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POINTS FORTS PAN AMERICA 1250 | ||
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POINTS FAIBLES PAN AMERICA 1250 | ||
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